dimanche 15 avril 2007

Point de vue et perspective dans la représentation du marché du travail (Le « Lapin chasseur » et l’anamorphose) - Franck

Le texte porte sur la représentation du marché du travail, à savoir qu’avant même d’élaborer des analyses sur le marché du travail, il est essentiel de se demander s’il en existe un.

La thèse de l’auteur est qu’il n’existe pas une représentation du marché mais plusieurs. Les définitions que la plupart des spécialistes donnent du marché du travail apparaissent comme étant biaisées et totalement dénuées de sens. Ainsi, on ne peut donc pas établir de « représentation objective » mais seulement avancées quelques hypothèses (ex : opposition entre la représentation du travail dans les pays industrialisés et celle dans les pays du Sud).

La problématique qu’il émet est la suivante : Les représentations du marché du travail sont-elles constitutives de celui-ci ?
Existe-t-il un marché du travail absolu ou plusieurs marchés du travail relatifs ?

Sa thèse se décompose en trois parties :
le concept de représentation
la question du point de vue (« Lapin chasseur »)
la question de la perspective : les anamorphoses


Plan
1. Contexte
2. Hypothèses de l'auteur

2.1. La représentation
2.2. Point de vue
2.3. Les perspectives
3. Contre hypothèses
3.1. Représentation
3.2. Point de vue - Oxymore
3.3. Précision
3.4. Perspectives
4. Conclusion et ouverture


1. Contexte

Métier
- Economiste et sociologue considéré comme l'un des meilleurs spécialistes de l'économie informelle.
- Professeur de sociologie à l'Institut d'étude du développement économique et social (IEDES) de l'université Paris I et membre associé du GERS (Genre et rapports sociaux).
- GERS : Etudes sur l’anthropologie et la sociologie du politique et du développement
L'objectif est d'associer une recherche scientifique de pointe et la prise en compte de grands problèmes de notre temps.


Axes de recherche

- Politiques sociales et la pauvreté particulièrement en Amérique latine
- Economie du travail domestique et de l'éducation- Economie informelle- Travail industriel, précarisation et flexibilisation en Amérique latine- Analyse du paternalisme- Théorie de la citoyenneté.


Livres

- « L'économie informelle dans le tiers monde »
- « Représentations et régulation étatique de la pauvreté en Amérique latine »
- « Pauvreté et politiques de la pauvreté au Mexique »
- « L'insoutenable misère du monde : économie et sociologie de la pauvreté. »

2. Hypothèses de l'auteur

2.1. La représentation

La représentation du marché du travail n'est pas le marché lui-même.
Cela peut s'apparenter au premier pilier de la programmation neurolinguistique : « la carte n'est pas le territoire ». La perception de la réalité n’est pas la réalité. Il est donc question de représentation personnelle et de subjectivité sensées représenter une objectivité établie.

De cela, l'auteur parvient à décrire son point de vue par le biais de comparaisons avec les arts picturaux du 16ème et 17ème siècle et d'une pièce de théâtre intitulée le « lapin chasseur ». Il utilise également comme outil de compréhension et d'explication le marché du travail principalement vu sous les angles du nord et du sud. En effet, il s'appuie sur la représentation interne et la représentation externe du marché du travail couplé à une différenciation Nord / Sud.

Il est nécessaire de différencier la représentation-acte de la représentation-résultat
La première donne lieu à l'exercice d'une compréhension individuelle et d'une subjectivité propre à chacun en fonction d'une réalité. Cette représentation-acte influe donc sur la compréhension de l'individu et donc sur ses actes en rapport avec le marché du travail, ces actions en rapport avec ce dernier découlant directement de la représentation qu'il s'en fait, chacun va donc interférer sur la réalité en fonction de la manière dont il l'a perçoit.

L'appréciation unique qu'a chaque individu du marché du travail va donc influer directement sur lui même. Chacun va agir et ainsi influencer le marché du travail selon la manière dont il le perçoit. Cette représentation concourre alors à une modification du marché du travail, donc de sa partie intégrante.

CITATION : Jean Piaget (Logique et Connaissance Scientifique) = objectivité
« La position constructiviste ou dialectique (qu’il désigna ensuite comme le « constructivisme dialectique ») consiste (…) à considérer la connaissance comme liée à une action qui modifie l’objet et qui ne l’atteint donc qu’à travers les transformations introduites par cette action. »

La représentation des objets est indéniablement influencée par le vécu (éducation, valeurs, expériences …). L’objectivité absolue n’existe pas.
Concernant, la représentation-résultat, elle établit quant à elle une observation du marché du travail sans interférence avec celui-ci. Il ne s'agit en somme que de l'observer.


2.2. Point de vue

En second lieu, l'auteur avance l'idée d'un point de vue objectif (citation texte Point de vue : « L'expression de point de vue a été utilisée plusieurs fois dans les pages qui précèdent, mais dans un sens qui semble aller à l'encontre du sens commun, qui charge ce mot de subjectivité. »)

Cet extrait arrête le lecteur dans un premier temps sur l'incompréhension de l'oxymore. En effet, pour le sens commun, le point de vue propre à chacun ne peut être dissocié de la notion de subjectivité. En outre pour certains spécialistes, les actions et les pensées de l'individu, donc sa compréhension d'un phénomène, sont indéfectibles (fidèles) de sa constitution psychologique et sociale. Les actions de l'homme ne sont que fonction de la somme de tout ce qu'il a vécu.

L'individu est, par conséquent, le résultat de son éducation, de son existence, de ses pensées, de ses valeurs … . Pourtant, il convient d'aborder le point de vue objectif à travers une notion d'observation. Par exemple, à travers la pièce du « Lapin chasseur » et de Monsieur Banque mondiale d'une part et de Monsieur Mamadou d'autre part, Bruno Lautier n'invite pas à donner son avis mais à apprécier une situation à partir de son observation pure et simple.

CITATION : « Lapin chasseur » de Jérôme Deschamps et Macha Malikeieff
« Très rapidement résumé, et dans les termes mêmes des auteurs, l’argument en est le suivant : « un double dispositif scénique pour raconter l’histoire de ce restaurant : deux plateaux séparés par un mur central ; d’un côté la salle, de l’autre les cuisines. Un double gradin où se partage le public. Dans cette vaste cabane de fête foraine, une nouvelle règle du jeu pour le spectateur qui voit la représentation une première fois du côté des cuisines, puis une deuxième fois du côté de la salle de restaurant. Deux points de vue pour une même histoire. Les publics changeront de côté à l’entracte ». Il n’y a, bien sûr, qu’un texte, qui prend une signification complètement différente selon qu’on voit et entend la pièce d’un côté ou de l’autre, sans parler de gags délirants dus à l’usage immodéré de portes battantes et passe-plats qui percent la cloison »

Même chose pour l’exemple de Mr. Banque Mondiale et Mr. Mamadou, qui se caractérise par une observation d'un même marché, puisqu'ils sont partenaires, mais différents du point de vue occidental et oriental : Mr. Banque Mondiale ayant pour finalité l'argent et Mr. Mamadou ayant pour moyen l'argent, et pour finalité la construction d'une mosquée. Le même marché peut donc être observé de deux points de vue totalement différents voire antagonistes.


2.3. Les perspectives

L'auteur rapproche la notion de perspective des anamorphoses.
Définition anamorphose :
§ Déformation réversible d'une image à l'aide d'un système optique - tel un miroir courbe - ou un procédé mathématique.
§ Représentation volontairement déformée d'un sujet, dont le véritable aspect ne peut être découvert par le spectateur que sous un angle déterminé par rapport au plan du tableau.
§ Image déformée qui ne peut être comprise que sous un angle de vue particulier ou à l'aide d'un miroir

D’après Bruno Lautier, il convient de comprendre que la perception du marché du travail en l'occurrence, se fait comme l'observation d'une image à travers un prisme. De fait, par exemple, l'économiste va « prendre » une réalité économique et la coder à travers des termes scientifiques, des diagrammes, des analyses poussées. En sorte, il va construire une représentation modifiée de la réalité, comme l'anamorphose, qu'il ne sera possible de décoder que si l'on possède la connaissance des mêmes outils qui ont permis cette transformation.

Il s'agit d'édifier une réalité sous forme de symboles qui ne seront compréhensible que pour ceux qui possèdent les mêmes références. A ce titre, nous pouvons mettre en avant le rapprochement entre la notion de perspectives de Lautier et donc les anamorphoses avec la machine de cryptage allemande de la Seconde Guerre Mondiale « Enigma ». En effet, « Enigma » était la machine électromécanique de cryptage allemande dont l'usage fut répandu, en nécessité de la Blitzkrieg (guerre éclaire) mais qui fut également le symbole de la victoire des briseurs de chiffres Alliés, dont les efforts auraient écourté la guerre d'un an.
Ainsi, seul celui qui possède les mêmes outils peut percevoir la réalité qui se cache derrière la construction symbolique.

3. Contre hypothèses

3.1. Représentation

Bruno Lautier explique que la représentation du peuple par l'homme politique n'est pas fidèle ; et s'il explique par ailleurs que certaines représentations contraires ou erronées sont bénéfiques, il ne met pas l'accent sur la nécessité en politique d'avoir une différenciation entre le représentant du peuple et le peuple. En effet, celui-ci éprouve naturellement et logiquement le besoin de se rallier à un homme qui lui ait différent, plus capable, un leader. Sans quoi, tout le monde se ressemblerait. Dès lors, l'homme politique perçu différemment de ces concitoyens, ne l'est-il pas réellement ?


3.2. Point de vue - Oxymore

L'appréciation d'un point de vue objectif peut d'abord être compris dans un premier temps comme un non sens car selon l'exemple du « Lapin chasseur » et de Mr. Banque Mondiale et Mr. Mamadou, le point de vue objectif de chacun et non du spectateur peut être apprécier s'il est placé dans un système de représentation subjectif propre à chaque acteur. Mr. Mamadou verra la situation différente de Mr. Banque Mondiale, mais chacun de leur point de vue sera objectif dans leur système de représentation. Dès lors, l'objectivité est placée dans un système subjectif. Leur point de vue est objectif par rapport à ce que eux pensent, ce qui est déjà subjectif.
Par la suite l'auteur développe le point de vue objectif comme étant du domaine de l'observation, du point de placement physique de l'observateur.


3.3. Précision

Selon Bruno Lautier, les représentations du marché du travail sont constitutives de celui-ci. Donc, dans certains marchés du travail comprenant un nombre considérable d'acteurs, on peut en déduire que le marché est construit à partir de dizaines, voire de centaines de milliers de point de vue. A ce titre, nous pouvons en conclure que certains marchés du travail ne peuvent pas être appréhender dans leur totalité à l'échelle humaine, par un, dix ou encore cent chercheurs.


3.4. Perspectives

Enfin, l'auteur souligne efficacement que la représentation symbolique d'une réalité entraîne immanquablement une perte de données qui seront donc absentes lors de la reconstitution de cette réalité.


4. Conclusion et ouverture

Bruno Lautier sous des formes littéraires et des explications poussées, explique un phénomène qui n'est pas nouveau et qui coule de source. (opposition Nord / Sud)
ex : les quelques tribus en Amazonie qui sont totalement coupés du reste du monde

De plus, il explique que les représentations sont constitutives du marché et donne l'exemple d'un marché commun Nord / Sud (Banque Mondiale et Mamadou). Dans cette optique, peut-on en conclure qu'il existe deux marchés différents qui se recoupent pour en créer un troisième commun aux deux.

En allant plus loin et en couplant ce phénomène à la mondialisation qui touche de plus en plus de personnes, peut-on en déduire qu'il existe aujourd'hui autant de représentations que d'individus, donc de marchés objectifs, réels, différents, qui se recoupent les uns les autres pour créer une infinité de marché du travail.

Citation sur l’objectivité
« Toute objectivité est désormais reconnue comme intersubjective. L'objectivité "objective", absolue, n'est plus qu'une relique du passé. » Mioara Mugur-Schächter

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je suis content de retrouver cela ici. Merci. Bonne suite, Franck
Christian
3 août 2008